Etudes
Vers un Islam aux lendemains qui chantent (3ème partie)
2°) FONCTIONNEMENT DE L'ETAT MUSULMAN
On peut, semble-t-il, répartir en quatre chapitres les taches que l'état musulman se doit d'assumer : l'exécutif (qui comprend l'administration civile et militaire), le législatif, le judiciaire et le culturel.
Le rôle de l'exécutif est sensiblement le même en Islam que dans n'importe quel Etat du monde. Il n'est donc pas besoin d'y insister, sinon pour rappeler qu’ici la souveraineté absolue appartient à Dieu, et qu'elle n'est entre les mains de l'homme que comme dépôt en gestion pour le bien-être de tous, sans exception.
Quant au pouvoir législatif, il est subordonné, aux prescriptions du Saint Coran, parole de Dieu, source et base de toute loi, dans les domaines spirituels et temporels de la vie. Il a donc de ce fait un champ d'action restreint. Il va de soi que les lois promulguées par une autorité ne peuvent être abrogées que par elle-même ou par une autorité supérieure, mais non point par une autorité inférieure. La révélation, divine peut être abrogé seulement par une autre révélation divine postérieure ; une directive du prophète ne peut être modifiée que par lui même ou par Dieu et non par d'autres quels qu'ils soient : juristes, parlement etc …Mais cette théorie, d'aspect rigide, devient, en Islam, assez élastique pour permettre aux hommes de s'adapter à ce qu'exigent les circonstances.
Le pouvoir judiciaire est fondé sur l'égalité de tous les hommes devant la loi, égalité qui n'exclut pas le chef d'Etat vis-à-vis de ses sujets. Le Saint Coran a ordonné une autre disposition importante : les habitants non musulmans de l'Etat islamique ont une autonomie judiciaire : chaque communauté a ses propres tribunaux, ses propres juges, qui administrent ses propres lois dans le domaine civil comme dans le domaine pénal. Le Coran demande aux juifs d'appliquer leurs lois bibliques, et aux chrétiens, leurs lois évangéliques. Il va de soi qu'en cas de communauté différente des parties, des dispositions particulières doivent trancher les difficultés et c'est une espèce de droit international privé qui régit ces cas.
La fonction culturelle est la raison d'être même de l’Etat musulman ; il faut entendre par là, la transmission et l'établissement de la parole de Dieu dans le monde d'ici bas. Il est du devoir de chaque musulman et à forciori du devoir de l'Etat, non seulement de se conformer à la loi divine dans le comportement quotidien, mais aussi d'organiser des missions étrangères pour faire connaitre aux autres ce que signifie l'islam. Là, le principe de base est celui que donne le Saint Coran : " Pas de contrainte, en religion " (Ste la vache / V.256). Loin d'impliquer une léthargie, une indifférence, ce principe invite, au contraire, à une lutte perpétuelle et désintéressée, celle de la persuation. Mais l'on ne peut réaliser ce noble but que par la libération des corps et des esprits du monstre de ce siècle qu'est : la culture occidentale.
La culture de type occidental (malgré les efforts de chrétiens isolés à cause de la sclérose des églises qui ont été incapables d'orienter les sciences et d'instaurer la justice sociale) est, dans l'ensemble, positiviste dans les sciences et nihiliste dans la littérature et les arts. Dans les deux cas, elle n'aide pas l'homme à trouver le sens de sa vie et de son histoire. C'est pourquoi elle conduit à l'individualisme, avec ses évasions et ses violences, et aux "équilibres de la terreur" entre les nations.
Ceci étant, serons-nous capables, de proposer et de réaliser à partir des principes de l'Islam, un autre modèle de culture ? Un autre modèle de communication ? Où ce que l'on diffusera en priorité, ce ne sont pas les crimes ou les perversions, mais les faits révélant ce qui est en train de naître et de se développer dans la profondeur des peuples, pour créer un avenir à visage humain, c'est-à-dire divin. Alors régnera sur le monde une véritable " sharia", une loi islamique, qui n'est pas répression, mais au contraire, et d'abord : justice sociale, mise à la disposition de chacun, de tous les moyens techniques, spirituels, pour lui permettre de déployer pleinement toutes les possibilité que Dieu lui a données pour les exercer dans " la voie juste", indiquée par Dieu pour réaliser son royaume sur la terre.
Oui, si l'on ne se contente pas de réciter des fragments du Coran, toujours les mêmes, triés depuis mille ans, mais si on relit le message dans sa totalité organique, vivante. Si l'on ne confond pas le Coran, parole divine de la révélation, avec la parole humaine des traditions. Si l'on n'oublie pas que chaque verset révélé est "descendu" pour répondre aux problèmes concrets posés à un peuple, à un moment de son histoire, et que la valeur éternelle de ces versets tient précisément à ce qu'elle n'est pas une formule abstraite, mais une réponse vivante à une question vivante, et qu'elle conserve pour nous, après plus de quatorze siècles , sa valeur éternelle d'interpellation pour nous appeler à découvrir, à partir d'elle, une réponse vivante aux questions vivantes de notre aujourd'hui. Si nous n'oublions pas, comme nous le rappelle si souvent le texte coranique, qu'un Dieu transcendant parle un " langage" qui déborde celui des hommes : celui de la parabole, pour orienter notre recherche de la vérité, et non pour nous la donner toute faite. Si nous nous souvenons que les Compagnons du prophète, les califes bien guidés, les grands jurisconsultes du passé, ont su, en créateurs responsables, trouver des solutions aux problèmes inédits de leur temps dans un Etat fort différent de ce qu'était la communauté de Médine et que, leur être fidèle , ce n'est pas répéter leur paroles mais imiter leur exemple, leur démarche créatrice et responsables : ils ont su résoudre, dans la voie juste de Dieu, les problèmes de leur temps: ils ne nous ont pas transmis des recettes passe-partout, mais une méthode pour faire face au nouveau.